Les questions liées à la RSE sont désormais au cœur des préoccupations de toutes les parties prenantes. Elles influent forcément sur la stratégie de croissance des ETI mais peuvent aussi susciter une certaine perplexité chez leurs dirigeants. La thématique est en effet foisonnante et protéiforme.
Des évolutions incontournables
Répondre aux pressions externes
En matière de RSE, les entreprises ont parfois le sentiment d’être noyé sous une masse d’injonctions dans laquelle elles ont du mal à se retrouver. Il existe une multitude d’initiatives et de labels. Les réglementations, notamment en lien avec la transition énergétique, deviennent de plus en plus contraignantes.
Les appels d’offres intègrent désormais des clauses très strictes, qui empêchent les entreprises qui ne les respectent pas de remporter les marchés. En effet, les investisseurs en font un critère d’allocation de leurs capitaux. Quant aux consommateurs, ils ont également des exigences accrues, avec l’ambition d’acheter éthique.
Il serait vain d’imaginer que la tendance actuelle ne durera qu’un temps. La notion de « licence to operate » s’impose. Au-delà des convictions, il devient impératif de revoir certaines pratiques non seulement pour se développer, mais déjà pour continuer à exister.
Ne pas négliger les attentes en interne
Une entreprise ne peut pas vivre sans clients, mais elle ne peut pas non plus vivre sans des talents qui la font avancer au quotidien. Or ces derniers ont aussi des nouvelles aspirations, en particulier dans les jeunes générations (Source : Les Echos).
Avec la pandémie, les confinements successifs ont cassé les frontières traditionnelles entre la vie personnelle et la vie au sein de l’entreprise. Beaucoup de salariés attendent désormais un supplément de sens dans leur travail. Se focaliser sur la performance économique ne leur suffit plus. Ils veulent que leur engagement professionnel soit en accord avec leurs propres valeurs et ne se contentent plus de discours sur le sujet.
L’enjeu est d’améliorer la qualité de vie des équipes de manière globale. Sans se limiter à la dimension de qualité de vie au travail. Il faut offrir à chacun la possibilité de s’épanouir personnellement et professionnellement. Cela en mettant à profit les passions de chacun pour contribuer au développement de l’entreprise. Donner aux collaborateurs les moyens d’ainsi se réaliser permet, surtout dans un contexte de tensions sur le marché de l’emploi, de les fidéliser. Il s’agit aussi d’un argument pour recruter.
Des difficultés à ne pas minimiser
Distinguer RSE et mission
La loi PACTE a fait évoluer le cadre juridique, en permettant aux entreprises de se doter d’une raison d’être, éventuellement inscrite dans leurs statuts, ou de devenir des entreprises à mission. Cette approche constitue évidemment une réponse à l’attention accrue portée aux sujets de RSE. Si elles sont complémentaires, les deux notions ne doivent toutefois pas être confondues, car elles ne s’inscrivent pas dans la même logique.
La RSE est avant tout une question de réglementations et de normes. Même si certaines entreprises essayent d’anticiper plutôt que de subir, le mouvement s’impose à elles.
À l’inverse, définir une raison d’être ou devenir une entreprise à mission correspond à une démarche volontaire. Tous les acteurs économiques doivent diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre, limiter leur utilisation du plastique, réduire leur consommation d’eau, etc. Il s’agit de moins en moins d’un élément différenciant. Afficher des engagements clairs, a fortiori en les ajoutant dans ses statuts, est un moyen de se démarquer. Expliquer la finalité de l’action permet de réinjecter du sens, en interne vis-à-vis des collaborateurs, mais également en externe.
Avoir conscience des contraintes et des risques
Il n’est pas obligatoire de définir une raison d’être ou de devenir une entreprise à mission pour s’engager. Cette démarche permet toutefois de rendre explicite ce qui pouvait n’être qu’implicite. Elle donne de la visibilité aux efforts mis en œuvre.
La raison d’être, qui n’est pas forcément inscrite dans les statuts, est moins contraignante. En revanche, devenir une entreprise à mission suppose d’accepter la présence d’un regard extérieur. Un comité de mission indépendant, nommé par la direction générale, doit en effet être mis en place. Celui-ci permet d’objectiver les résultats obtenus et apporte une expertise en matière de RSE qui fait souvent défaut dans les conseils d’administration. Certains actionnaires peuvent néanmoins s’opposer à la création de cette nouvelle instance, dont le positionnement peut être un peu ambigu.
Les obligations de reporting qui s’imposent aux entreprises en matière de RSE entraînent déjà des surcoûts significatifs. S’engager dans des démarches complémentaires ne fait que les augmenter. Même en ayant la conviction qu’elles sont positives et nécessaires, il faut réussir à obtenir des financements de la part des actionnaires.
Le risque est aussi de s’enfermer dans un nouveau carcan, qui peut devenir totalement contreproductif. Certains auditeurs reproduisent en effet les mêmes réflexes que pour le contrôle des comptes. Ils attendent des données exhaustives, qui permettent de remplir toutes les cases, quitte à parfois perdre de vue la finalité du dispositif.
Il faut par ailleurs accepter d’avancer progressivement, en s’inscrivant dans la durée. Prendre des engagements est une chose, mais les traduire dans la réalité ne peut pas se faire du jour au lendemain.
Une opportunité pour créer une dynamique
S’engager dans une voie qui a du sens
Pour certaines entreprises, définir une raison d’être ou une mission est un exercice relativement aisé parce que celle-ci découle de son histoire. Toutes ne sont cependant pas dans cette situation. Il est parfois nécessaire d’engager une vraie réflexion sur le sujet. Être accompagné par des cabinets spécialisés peut s’avérer très utile. Le temps de maturation est généralement assez long. Il faut en effet constituer des groupes de travail et organiser des échanges réguliers avec le comex.
Les engagements doivent être cohérents avec ce qui fait la réalité de l’entreprise. Ils ne doivent pas être interchangeables avec des concurrents ni donner l’impression de « sortir du chapeau ». Ils sont la concrétisation de quelque chose de plus ou moins latent. En outre, tous les combats ne peuvent pas être menés de front. Il faut faire des choix et accepter des renoncements, pour se concentrer sur quelques priorités qui fédèrent et qui ont réellement du sens pour les équipes.
Définir une raison d’être ou une mission
L’enjeu est par ailleurs de se tourner vers l’avenir. Définir une raison d’être ou une mission est une occasion de générer du mouvement, en suscitant l’adhésion autour d’objectifs ambitieux. S’ils sont déjà pratiquement atteints, aucune dynamique ne pourra se créer.
Certains secteurs peuvent sembler plus fragiles vis-à-vis de ce type de démarche. Si l’exercice est peut-être plus compliqué, il n’est toutefois pas impossible. Toutes les industries ont des côtés positifs sur lesquels capitaliser en construisant les bons argumentaires. Ainsi, l’armement permet de défendre les valeurs de la France en protégeant les soldats partis en opérations extérieures. De même, le nucléaire est essentiel pour accélérer la sortie du charbon et faciliter la transition énergétique.
Raison d’être et mission n’ont pas forcément vocation à entraîner des transformations radicales. Elles peuvent promouvoir l’innovation et, au travers de cette dernière, le maintien de l’emploi dans les territoires, le développement de l’économie circulaire, etc.
Réconcilier performance économique et contribution sociétale
Les sujets liés à la RSE, qu’ils se traduisent ou non dans les statuts juridiques, ne doivent pas faire oublier que l’objectif premier d’une entreprise reste de créer de la valeur. Il serait dangereux de mettre en cause la notion de profit.
Afin que le mécanisme devienne vertueux, la condition est, en revanche, de s’assurer que l’augmentation du chiffre d’affaires nourrit l’atteinte de la raison d’être ou de la mission. Sinon, par la suite, un arbitrage devra être fait entre la performance économique et les engagements sociétaux et environnementaux. Pour un certain nombre d’entreprises, cette réconciliation suppose de réinterroger leur modèle et de l’adapter, en misant sur la réparabilité, la location, le recyclage, etc. Beaucoup de progrès ont déjà été faits dans ce domaine.
Certaines entreprises ont d’ailleurs fait le choix de modifier leurs statuts pour s’assurer qu’un changement d’actionnariat ne viendra pas remettre en cause les efforts réalisés. Elles y voient un mécanisme de défense face à des fonds qui ne seraient intéressés que par une rentabilité de court terme.
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