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Lors de l’événement Inspiring Time de Talentia Software consacré à l’intergénérationnel et l’ère du co, nous avons rencontré M. Bensoussan, Directeur Financier opérationnel du groupe Partouche.

Nous avons eu l’occasion d’échanger sur sa vision du métier de DAF et notamment sur sa dimension collaborative, tournée vers l’engagement de ses équipes et permettant une forme de sérénité qui nous a semblé particulièrement intéressante.

Nous avons poursuivi nos échanges et nous vous proposons de les découvrir ci-après.

Olivier Bensoussan, vous êtes le Directeur Financier opérationnel du groupe Partouche – 405 millions d’Euros de CA en 2016, près de 4 200 collaborateurs – pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

J’ai la chance d’avoir un parcours atypique pour un DAF de ma génération. Ça fait 20 ans que je construis ma fonction au sein du groupe Partouche et ça fait 20 ans que le groupe existe sous sa forme juridique, en tant que société cotée.

J’ai ainsi une vision holistique de la vie d’une entreprise, notamment dans les moments où elle se structure et où tout se met en place. C’est passionnant, car cela permet d’avoir un regard différent sur la fonction finance et j’espère que mon expérience pourra être utile à d’autres.

Je le répète souvent, surtout aux responsables comptables et financiers que j’encadre : la fonction finance a bataillé longtemps pour être considérée comme le bras droit des organisations.

Tout au long de l’histoire des entreprises, nous avons dû prouver notre utilité aux directions générales et évidemment cela a entrainé historiquement des frictions, des conflits de positionnement avec les autres directions…

Mais ça fait longtemps que cela est derrière nous selon moi dans le monde des entreprises ; cette position doit être un acquis pour toutes les directions financières, et j’estime qu’aujourd’hui inscrire une partie de son action dans la quête du pouvoir est passéiste, vain et contre-productif, et que la direction financière doit mettre au cœur de son action le désir constant de consolider sa crédibilisation et sa transversalité.

Quel est l’enjeu principal pour la DAF de demain ?

Après 20 ans dans le groupe, et pour les 20 ans à venir, ce que je souhaite, c’est me délaisser totalement de toute notion de pouvoir. Je n’ai plus envie de batailler avec les autres fonctions pour démontrer que mon rôle est indissociable de la logique d’entreprise, passer des jours en manœuvres byzantines pour convaincre untel, obtenir le soutien d’un autre…

Non, ce que je veux désormais, c’est positionner et ancrer mon travail et mon service comme une fonction support, utile à l’ensemble.

S’il y a bien une fonction déterminante qui est constante dans l’entreprise d’aujourd’hui, c’est la fonction d’accompagnement financier. Parce qu’il est de plus en plus difficile de piloter, parce qu’on dispose d’agrégations de données qui sont interfacées de partout, qui mêlent les opérationnels et les autres, il faut mettre un peu d’ordre là-dedans.

Et les fonctions financières sont idéalement placées pour croiser des informations et les maintenir à des niveaux qui les rendent à la fois utilisables, audibles et crédibles.

Les opérationnels ont leurs propres systèmes d’information, produisent leurs propres chiffres, qu’ils voient par le prisme de leurs enjeux métiers, qu’ils peuvent interpréter différemment de nous et que nous devons croiser avec les impacts financiers, car nous avons tous des marges de manœuvre réduites et nous ne pouvons pas nous tromper dans l’analyse.

La fonction finance n’a qu’une vocation : l’ouverture aux autres. Elle doit évidemment être managée et il est nécessaire d’utiliser les bons renforts pour l’animer, mais la bataille pour être un acteur écouté ayant été gagnée, elle doit consacrer son temps à la consolidation de son action crédible et faire en sorte de se rendre utile aux opérationnels.

La fonction de DAF est-elle devenue plus communicante ?

Aujourd’hui, les systèmes d’information, au niveau de la DAF, concentrent l’essentiel de l’information et il est de notre devoir de la partager. En croisant nos informations avec celles des opérationnels métiers qui viennent d’autres logiciels, nous travaillons à trouver la pertinence d’analyses communes.

Cette pertinence n’est atteignable qu’en partageant les données, en nous les expliquant et lorsqu’au niveau de la DAF, nous comprenons parfaitement les ressorts des autres métiers. Nos systèmes d’information financiers et métiers doivent être ouverts et nous devons nous faire confiance là-dessus.

Historiquement, la DAF était dans sa tour d’ivoire, seule à détenir les chiffres sensibles, à ne partager qu’avec la DG l’information privilégiée. Il y a encore des freins sur ces données que l’on qualifie de sensibles, stratégiques, auxquelles il faudrait faire particulièrement attention.

Mais si on y regarde de plus près, il n’y a que peu d’informations réellement confidentielles. De plus, on sait parfaitement bien les marquer, les isoler, pour ne pas y donner d’accès à tous. Travaillant dans une société cotée, il y a bien évidemment des données que je ne peux pas transmettre ou mettre à la disposition de tous, mais sur l’opérationnel courant, il n’y a quasiment peu de chose qui ne peut pas être divulgué sur la performance passée court terme.

Par exemple, je mets à disposition des analyses de la rentabilité analytique, des analyses de performance. J’ai mis en place des commentaires d’activité mensuels qui font appel à l’ensemble des analyses des opérationnels de tous les métiers que nous avons revu sous un angle financier.

Nous sommes loin d’avoir fini ce travail qualitatif et nous continuons toujours à nous améliorer dessus, en tenant compte bien entendu aussi des différences de cultures locales de nos entreprises.

Comment les fonctions financières doivent continuer à évoluer ?

Aujourd’hui, je considère que l’appellation « comptable » doit progressivement disparaître du jargon de nos entreprises. Je préfère parler de services financiers. Il est important de faire avancer et évoluer la perception de cette fonction qui génère toujours malheureusement des préjugés.

Certains comptables s’en servent ainsi pour rester dans leur monde dans lequel ils disent : « non, je ne peux pas te donner l’info, ça, c’est compliqué, ceci, cela… » Ce n’est évidemment pas vrai et leur dire qu’ils sont des financiers, ça renforce leur fonction, leur permet d’être beaucoup plus transverses et d’accompagner mieux les chefs d’entreprise et les opérationnels. Ces évolutions s’articulent autour du partage d’information et de la conjugaison des savoir-faire d’analyse de l’entreprise.

Nous avons beaucoup de chiffres qui viennent de différents SI de l’entreprise, y compris financiers bien sûr et, nous l’avons vu, il faut faire en sorte que l’accès à ces informations ne soit plus un enjeu de pouvoir. Il faut arrêter les marchander autour de ces informations et lorsque l’on a une donnée plus fine, plus pertinente que le voisin, la partager. C’est beaucoup plus efficace pour gagner en performances et en productivité.

Lire la seconde partie de cet entretien.


Propos recueillis par Sylvie Ysambert et Nicolas Swiatek 

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