Attirer et fidéliser les talents
Augmenter les salaires dans un contexte d’inflation
L’inflation connaît un rebond historique sur le continent européen. Même si elle est un peu plus faible en France, elle y atteint également des niveaux qu’elle n’avait pas connus depuis plusieurs décennies. L’augmentation des salaires devient donc un sujet de préoccupation majeur au sein des entreprises, avec des situations parfois assez tendues dans les instances de dialogue social.
En fonction de leur secteur d’activité et de leur positionnement sur le marché, certaines entreprises disposent d’un « pricing power » important, ce qui signifie qu’elles sont en capacité de répercuter les hausses de charges sur leurs prix de vente. Par conséquent, elles peuvent plus facilement augmenter les salaires, même si ces derniers représentent une part significative de leurs coûts. Des directions ont ainsi annoncé, parfois unilatéralement, des revalorisations alignées sur l’inflation.
Toutes les entreprises ne disposent pas d’autant de marges de manœuvre. Certaines consentent cependant à augmenter les salaires, considérant que les hausses de prix massives qu’elles devront imposer sont principalement tirées par les matières premières. D’autres privilégient l’attribution de primes, en particulier les « primes Macron », ou la mise en place de plans d’intéressement. Faire preuve de pédagogie et expliquer la situation aux collaborateurs est en tout cas indispensable, en espérant que cet effort de transparence permette de trouver des compromis.
Répondre à des aspirations nouvelles
La crise sanitaire a accéléré un mouvement qui lui était probablement antérieur. Le rapport au travail a profondément changé, en particulier chez les jeunes générations. Les collaborateurs ont des attentes qui auraient été impensables il y a quelques années. Pour beaucoup d’entre eux, le télétravail est devenu incontournable et de plus en plus de personnes envisagent de vivre en province, en ne venant que ponctuellement à Paris.
Dans certaines entreprises, le télétravail a resserré la relation entre les équipes et le management. Les visioconférences, qui restent largement utilisées, ont fait entrer la vie professionnelle dans l’environnement privé et une plus grande proximité s’est instaurée. Ces constats positifs ne sont toutefois pas partagés dans toutes les sociétés. Le télétravail entraîne parfois une dilution du sentiment d’appartenance. En limitant les échanges, il complique en outre la transmission du savoir et freine la créativité. S’il semble difficile de le remettre en cause, des mesures peuvent être mises en place pour valoriser le présentiel, notamment en organisant des moments d’équipe.
Pour attirer les talents et les conserver, il convient d’innover. Ainsi, certaines entreprises envisagent d’instaurer une semaine de quatre jours. Elles font le pari que la productivité n’en sera pas affectée, parce que les salariés seront motivés pour ne pas perdre cet avantage.
Composer avec les enjeux démographiques
Le rapport de force semble aujourd’hui favorable aux salariés, car les entreprises doivent conserver leurs talents et recruter. Elles sont donc contraintes de proposer des rémunérations et des conditions de travail suffisamment attractives.
Certains estiment que cette situation ne sera pas durable, notamment en cas de ralentissement de l’économie, voire de récession. La démographie tend toutefois à nuancer cette analyse. En effet, les départs en retraite seront massifs dans les prochaines années, alors que les arrivées sur le marché du travail vont se ralentir. Une dégradation de la conjoncture ne modifiera pas cette équation, défavorable aux entreprises.
Il est en outre probable que les entreprises devront s’habituer à être dans un processus de recrutement permanent, car les collaborateurs n’ont plus les mêmes ambitions concernant leur carrière. Beaucoup d’entre eux ne resteront que quelques années, puis s’en iront ailleurs mener d’autres projets.
Pour essayer d’atténuer ces différents effets, certaines entreprises proposent des primes de cooptation, qui peuvent atteindre des montants très significatifs. Celles-ci permettent de fidéliser les équipes et de renforcer la cohésion, tout en facilitant les recrutements. Des primes de mentorat peuvent également être attribuées aux personnes qui partent en retraite, pour accompagner les transferts de compétences vers les plus jeunes.
S’adapter à un monde en profonde mutation
Accepter une remise en cause des modèles
Avec la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine, les entreprises sont confrontées à des difficultés d’approvisionnement en matières premières, qui, dans certains cas, peuvent aller jusqu’à la pénurie. Les prix sont parfois multipliés par trois ou quatre, notamment dans le domaine de l’agroalimentaire.
Le coût de l’énergie devient particulièrement problématique, avec des perspectives inquiétantes pouvant totalement remettre en cause les modèles économiques. Certains groupes ont mis en place des mécanismes de couverture mais la protection que ceux-ci procurent n’est pas pérenne. D’autres commencent à réfléchir à une évolution de leurs implantations pour essayer de limiter les conséquences de la situation et préserver leur compétitivité.
Il est toutefois probable que le schéma de croissance infinie, se fondant notamment sur la disponibilité de l’énergie, doive être questionné. Les difficultés dépassent le contexte géopolitique actuel et sont structurelles, car elles correspondent aussi à une évolution des modes de consommation.
Faire face à des déséquilibres difficilement soutenables
De manière générale, les déséquilibres apparaissent de plus en plus nombreux.
Au sein des entreprises, un fossé se creuse entre des populations qui télétravaillent, gagnant en confort de vie, et des salariés qui ne peuvent être qu’en présentiel, par exemple dans les usines. Or même s’ils subissent des contraintes beaucoup plus importantes, en termes de déplacement et d’horaires, ils sont souvent moins bien payés. Ces métiers sont donc de moins en moins attractifs, alors que les besoins sont croissants, notamment dans l’accompagnement médico-social en raison de l’allongement de la durée de vie.
Par ailleurs, une partie de l’économie, très financiarisée, semble déconnectée de la réalité. L’accent y est mis sur le haut de bilan, avec l’apport de sommes parfois colossales. Ces entreprises sont en permanence tournées vers leur prochaine levée de fonds. Elles peuvent atteindre des valorisations extrêmement élevées, qui ne traduisent pas leur solidité intrinsèque. A l’inverse, les sociétés profondément ancrées dans les territoires voient leurs marges de manœuvre de plus en plus réduites.
Investir pour se transformer
Depuis quelques années, les crises s’enchaînent, à un rythme qui ne cesse de s’accélérer. Espérer le retour à une stabilité durable est sans doute vain. Pour cette raison, il est très difficile de se projeter au-delà de 2023. Tout l’environnement dans lequel évoluent les entreprises est en mutation, avec des défis sociaux, sociétaux ou climatiques.
Jusqu’à présent, l’expérience montre que les entreprises parviennent à suivre le mouvement. Elles font preuve d’une capacité d’adaptation surprenante et d’une forte résilience de leur corps social. Ce constat permet d’être optimiste. Malgré des défis qui peuvent sembler insurmontables, les acteurs économiques trouvent les moyens de se réinventer. Ils le feront encore dans le futur, à condition toutefois de pouvoir compter sur une réorientation des ressources permettant d’investir pour absorber les chocs.
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